Migration: le point sur les premières tendances de la saison 2017

18 juillet 2017 at 8 h 41 min

Les techniciens de 16 fédérations départementales de chasse (Ardennes, Ariège, Aube, Aveyron, Dordogne, Gard, Loir et cher, Haute Loire, Lot et Garonne, Lozère, Maine et Loire, Marne, Deux sèvres, Tarn et Garonne, Vaucluse, Vendée), en collaboration avec l’ONCFCS, participent en ce moment à une enquête concernant la caille des blés. Cette dernière consiste d’une part à capturer les oiseaux au moyens de filets, afin de les baguer, mais aussi à évaluer la densité des populations d’oiseaux en réalisant chaque semaine une tournée de plusieurs points d’écoute.

Les toutes 1ere captures de cailles ont été signalées dès le 30/03/2017, comme me l’ont confirmé plusieurs techniciens. La première vague de migration, dans l’ensemble, semble avoir été plus importante que d’habitude.

Le Tarn et Garonne, le Lot et Garonne et l’Ariège m’ont confirmé être en avance quant au nombre d’oiseaux capturés et bagués, par rapport aux années précédentes. Quelques chiffres à la date du 15/06/2017: 300 oiseaux capturés dans le Tarn et Garonne, 100 en Ariège, environ 80 dans le Lot et Garonne, 80 oiseaux en Dordogne, 220 dans les Deux sèvres (qui a quasiment doublé ses chiffres habituel) et un constat identique sur les départements voisins. Bonne tendance en Gironde également.

Les chiffres « bruts » des captures ne peuvent toutefois pas être directement comparés entre eux. Pour prendre un exemple, le Tarn et Garonne emploie 3 techniciens, lorsque l’Ariège n’en emploie qu’un seul, et seulement à temps partiel. L’effort de capture varie donc très fortement d’un département à un autre, et explique en partie les écarts. En revanche, la tournée des points d’écoute réalisée de façon hebdomadaire sur un circuit déterminé permet de déterminer les densités d’oiseaux et de comparer les zones entre elles.

Fréderic le capitaine (FDC82) et Arnaud Lafforgue (FDC47), malgré les précautions d’usage, parlent du millésime 2017 comme « d’une très bonne année ». Pascal Fosty (FDC09) et Mr Audurier (FDC 79) vont jusqu’à parler d’année « exceptionnelle », et affirment ne jamais avoir jamais autant d’oiseaux depuis leurs débuts de bagueurs. Tous confirment la capture de nombreux jeunes, probablement nés au Maroc. Cela montre d’une part que la survie hivernale a été bonne, mais aussi, au vu des arrivées importantes d’oiseaux, que la migration s’est très bien déroulée.

Pascal Fosty m’a fait part de la capture récente de plusieurs jeunes mâles probablement nés en Ariège vers la fin du mois d’avril 2017 (ils pesaient 60 grammes environ), et déjà prêts à se reproduire. Cela montre le caractère extrêmement prolifique de l’espèce : Les femelles issues de ces couvées auront probablement elle-même élevé des petits d’ici l’ouverture. Il m’a également signalé avoir entendu le chant de plusieurs femelles, ce qui est assez exceptionnel. Fait rarissime, ce dernier a réalisé une capture de contrôle sur un oiseau qu’il avait déjà bagué deux ans auparavant en Ariège, alors qu’il était déjà âgé d’au moins un an. Cela veut dire que ce dernier est âgé d’au moins 3 ans, ce qui est une durée de vie exceptionnelle (l’espérance de vie moyenne d’une caille des blés est de 18 mois à peine).

Tendance très encourageante en Espagne, ou toujours selon les informations recueillies par Pascal Fosty, le nombre d’oiseaux capturés est plus élevé qu’à l’accoutumée. Fréderic Le Capitaine (FDC82) a eu confirmation au travers de réunions avec d’autres techniciens de l’arrivée précoce d’oiseaux dans le nord de la France, et notamment l’Oise. Un de nos adhérents, Mr Stéphane Lainé, m’a confirmé dès le 28 mai leur présence dans le marais de fière situé dans le département de la Manche. Des membres de notre groupe Facebook ont signalé leur présence dans le Loiret le 29/05,  en Belgique le 15/06. C’est très encourageant, car ce sont les oiseaux que nous chasserons dans le sud de la France à partir de la mi-septembre (désolé pour les départements du nord de la France, qui ont des ouvertures trop tardives…)   Les cailles sont également arrivées en zone de montagne, comme me l’ont confirmé certains chasseurs locaux. Leur présence a notamment été signalée sur plateau de Capcir (Pyrénées orientales), à 1500 mètres d’altitude.

Lors de l’entretien téléphonique que j’ai eu avec Mr Lafforgue (FDC 47) ce dernier s’est inquiété de la capture de plusieurs cailles hybrides (Cela lui a également été signalé dans le Tarn et Garonne) et m’a fait part de son inquiétude pour l’espèce. Ces hybrides sont la conséquence du croisement entre des cailles des blés sauvages, et des cailles de chasse (en réalité des hybrides de cailles japonaises) que beaucoup de chasseurs et dresseurs utilisent pour entrainer ou débourrer leurs chiens. N’utilisez pas ces cailles, et surtout ne les relâchez JAMAIS dans la nature… Cela à des conséquences terribles pour l’espèce, que j’ai déjà évoqué à plusieurs reprises dans de précédents courriers.

Lorsque l’on interroge Mr Denis Roux, coordinateur national du réseau caille à l’ONCFS, ce dernier est beaucoup plus mesuré. Les résultats qui lui sont parvenus sont pour l’instant effectivement plutôt bons, mais sont assez contrastés au niveau national, en fonction des départements. Il semblerait notamment qu’il y ait moins d’oiseaux cette année dans l’est de la France, l’un des endroits où les populations de cailles des blés sont traditionnellement les plus abondantes. Cela m’a d’ailleurs été confirmé par le technicien de la fédération des chasseurs de la Marne qui m’a signalé une quarantaine de cailles baguées seulement (en baisse par rapport aux années précédentes) et un comportement très atypique des oiseaux (ne répondent pas sur les points d’écoute, ou se présentent sous les filets sans aucun chant préalable, ce qui génère de nombreux ratés). La situation semble identique dans l’Aube. Toutefois, les Ardennes semblent se détacher avec près de 90 oiseaux bagués par un seul technicien.  Mr Roux reste prudent, il affirme attendre pour se prononcer les retours définitifs des techniciens départementaux, dont il ne disposera que courant juillet, et qu’il ne commencera à analyser qu’à partir du mois d’aout prochain.

C’est une hypothèse qui demande encore à être vérifiée, mais il semble que qu’il y ait eu cette année une meilleure survie hivernale des oiseaux en Provenance du Maroc. On retrouve un effet positif sur la moitié ouest du pays. Sur les départements de l’est de la France, et du sud-est, qui eux dépendent d’autres courants de migration (Tunisie), les résultats semblent par contre légèrement inférieurs à la moyenne. Un des seuls techniciens que je suis parvenu à contacter (celui du Gard), avait capturé seulement  5 oiseaux. Un autre technicien (Vaucluse) m’a indiqué ne procéder à aucune capture, ce dernier attendant les moissons afin de recueillir des éléments auprès des agriculteurs.

Si cette petite « météo caille » reste malgré tout encourageante, Il ne faut pas oublier qu’il ne s’agit que de tendances, et que cela ne présage en rien du nombre de cailles que nous verrons à l’ouverture, car ce dernier dépend surtout du succès de la reproduction qui se déroule en ce moment même. Il faudra également espérer l’absence de sécheresse, ou d’épisodes caniculaires, qui avaient conduit les oiseaux à partir prématurément lors des années précédentes.

Cette relative abondance d’oiseaux est en tout cas une excellente nouvelle pour l’espèce au moment où une récente étude concernant la caille des blés montre que les effectifs ont régressé de près de 40 pour cent par rapport à l’année 1996.  Pour rappel, j’ai reproduit ci-dessous une courbe que j’ai trouvée sur le site de l’ONCFS, et qui est particulièrement éloquente. Cette dernière montre l’evolution de l’indice d’abondance de la Caille des blés à l’échelle nationale. On peut constater que les populations de caille des blés ont diminué de  38,05 pour cent depuis 1996 (soit une baisse de 2,5 pour cent par an en moyenne).

Ci-dessous, une cartographie de l’abondance locale de caille des blés réalisée en 2014. Si la caille des blés est traditionnellement chassée dans le sud du pays, c’est dans la moitié nord, et surtout dans l’Est du pays, que l’on trouve les populations les plus importantes (Marne, Aube, Ardennes mais aussi Meuse, Côte d’or). Plus au sud, on remarque quelques points de concentration, notamment entre les Alpes de haute Provence et le Vaucluse, et un autre dans la partie sud de la Haute Garonne.